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Partenariat entre Qwant et Microsoft : un peu d'histoire et une mise en perspective

La semaine passée a vu naitre une polémique autour d'un partenariat entre Qwant, un moteur de recherche établi en France et se voulant respecteux de la confidentialité de ses utilisateurs et Microsoft, exterminateur de manchots, watercooler de CPUs au glyphosate et surtout, incarnation personnifiée depuis plusieurs décénies du logiciel propriétaire.

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La mutation de Microsoft

Aujourd'hui Microsoft ne concentre plus son effort commercial autour de ses produits historiques, Office et Windows qu'il pousse encore un peu quand même en OEM dans les ordinateurs neufs commercialisés à travers le monde. On sait évidemment Microsoft toujours actif en terme de lobbying et l'entreprise est toujours de la majorité des contrats publics grâce à son offre logicielle. En dehors de ça, Microsoft, c'est aussi un peu de "hardware", avec un pas dans le segment d'Apple (le Surface), un pas dans le segment de Sony (avec sa XBox), un pas en avant puis quatre en arrière dans le segment de Google avec ses Windows Phone et Bing...

Il y a un marché sur lequel on n'attendait pas vraiment Microsoft il y a quelques années, c'est celui du Cloud. Microsoft a pourtant fait un effort pour essayer de constituer une offre face à Google ou Amazon AWS, Microsoft y voyait peut-être un outil clé pour pousser son offre logicielle en SaaS. L'entreprise a également modifié en profondeur son approche marché (pour ça elle est spécialiste),ainsi que son modèle organisationnel, sa manière de travailler et intégrer les méthodologies et licences Open Source qui se sont imposées sur le marché au début des années 2000 malgré les tentatives infructueuses de Microsoft de s'y opposer.

Puisque nous en sommes à évoquer de vieux dossiers, il faut se souvenir qu'à cette époque, c'est RedHat qui dominait le petit monde de l'Open Source en entreprise en offrant un support technique digne de ce nom aux professionnels. Peu avant ce partenariat SuSe Linux entre Novell et Microsoft, on voyait l'échec sur le même segment de marché de la distribution d'origine française Mandrake (devenue par la suite Mandriva), et surtout Ubuntu qui est probablement l'une des raisons de l'échec de Mandrake. Rappelons qu'Ubuntu avait remporté quelques contrats publics en France alors que Mandrake avait surement de quoi offrir de bonnes garanties et un bon support à nos administrations... On pense par exemple au contrat des postes de l'Assemblée Nationale ou à celui de la Gendarmerie.

Voir Microsoft rester en retard sur la compétition aurait été surprenant : pour l'Open Source, puis pour le cloud, Microsoft a senti l'air du temps et a investi pour tenter de rester dans la course, pendant que le "Don't be Evil" Google concentrait tous les regards.

Toujours à cette même période, notre petit monde numérique voit le déclin des applications lourdes et le boom des plateformes web "sociales", on place de l'intelligence au coeur du réseau, et si cette intelligence est en coeur de réseau, il faut la traiter, lui offrir du calcul et du stockage. Attention, nous ne disons pas ici que ce glissement était souhaitable, mais c'est bien ce qu'il s'est produit : nos applications sont aujourd'hui d'abord accessibles via le web (Webmail, bureautique en ligne, streaming... même Adobe propose ses applications phares en SaaS).

Plus que la consécration du cloud, c'est sa pérennisation qui s'est alors jouée, et ce sont les entreprises "non pure player" qui en ont profité et franchi le cap. D'abord en consommant des services, puis en portant leurs SI sur ces clouds qui promettent une meilleure maîtrise des coûts (alors qu'il sont souvent plus coûteux à moyen et long terme) résilience, ainsi que plus de scalabilité. Les particuliers de leurs côté, font dans le même temps du cloud comme monsieur Jourdain de la prose, avec leur smartphone. "C'est vraiment super ce truc qui permet d'avoir ses données sur son téléphone comme sur son ordinateur, et en plus c'est gratuit... comment ça s'appelle déjà ?"

Alors que le grand public a les yeux rivés sur Google, du côté des professionnels pour qui ces services ne sont évidemment pas gratuits, c'est une autre paire de manches. Déjà parce qu'Amazon a quand même une offre très bien packagée, et aussi parce que la rumeur courre dans les milieux autorisés que Microsoft fait des trucs, notamment un, il s'appelle Azure.

Mais ce n'est pas tout, la récupération par Microsoft des apports de l'Open Source n'a été que croissante et elle venait de loin... c'est à dire d'à peu près là où Google avait réussit en faisant le pari de l'open source au coeur de son business model et Microsoft échoué en utilisant timidement de l'Open Source pour essayer de vendre plus de licences logicielles. Ce temps est déjà bien lointain, depuis Microsoft a racheté Github et adapté son offre au marché avec l'intégration sur Azure de nombreux outils Open Source.

Qwant, ses besoins et son partenariat avec Microsoft

Depuis sa création en 2013, Qwant a investi dans son infrastructure propre. Sa promesse est le respect de votre confidentialité et la neutralité des résultats. Mais comme tout service gratuit, il faut qu'il tire ses revenus de quelque part. Assez "logiquement", à moins que nous ne soyons prêts à payer un abonnement pour utiliser un moteur de recherche, Qwant a opté pour le modèle basé sur la publicité. Mais Qwant n'étant pas une régie publicitaire, il a assez tôt noué un partenariat avec Microsoft pour en quelque sorte lui sous-traiter cette activité (en injectant des publicités sur les pages de résultat) et se concentrer sur son moteur de recherche. les deux sociétés sont donc partenaires de longue date.

Comme Tristan Nitot l'explique sur son blog , Qwant comme le web qu'il crawle et indexe, n'a de cesse de croître. Et comme toute croissance est synonyme d'investissements, Qwant en est arrivé assez logiquement à migrer une partie de ses besoins en infrastructure sur une offre de cloud public pouvant répondre à ses besoins. On ne parle pas ici de mettre en SaaS la comptabilité de l'épicerie du coin, on parle d'indexation et du traitement de calculs conséquents sur des milliards de pages. Les investissements pour une infrastructure propre n'ont pas été jugés appropriés et le partenariat existant avec Microsoft facilité l'externalisation.

En dehors de la relation de partenariat Qwant/Ms rendant ce choix logique, il est possible de se demander si Qwant aurait pu trouver un partenaire français, européen pour mettre en oeuvre cette externalisation partielle de son infrastructure. Il a été évoqué les critères de capacité de calcul, de réseau, de technologies proposées (Kubernetes). En l'état actuel il est difficile de se prononcer, Qwant n'a publié aucune analyse de fond, benchmark documenté permettant d'établir les motifs exacts de son choix.

On peut comprendre l'émoi du monde du libre face au choix de Microsoft et des personnes attachées à la confidentialité, mais toujours comme l'explique Tristan Nitot, "seules des données issues du Web (et donc publiques) seront traitées par les algorithmes de Qwant qui tourneront sur les serveurs loués à Microsoft".

Une chose est certaine, c'est que comme un ami qui se reconnaitra aime à le dire "nous n'avons pas les tuyaux de nos ambitions". Et si Qwant veut essayer de s'imposer rapidement comme un acteur mondial majeur sans les capacités réseau et de calcul imposées par la nature même de son activité, l'entreprise est sans doute contrainte d'externaliser un partie de sa valeur chez un des géants américains. Ils ne faut pas oublier que Microsoft comme Google ou Amazon, ne paient pas les impôts qu'ils devraient par rapport aux revenus qu'ils ponctionnent sur l'économie française, ils bénéficient donc de fait d'une compétitivité artificielle déloyale qui empêche les acteurs européens de pouvoir s'aligner.

Pour conclure, il faudra admettre que Qwant a fait un choix qui n'est pas que technique et aurait probablement pu faire le choix de faire croître son infrastructure en fonction de sa propre croissance. La stratégie de l'entreprise est ici aussi dictée par une problématique business que peuvent lui exiger ses actionnaires, et de ses impératifs en matière de communication elle aussi coûteuse et chronophage. Qwant conserve évidemment ses algorithmes mais passe peut-être à côté d'une capitalisation technique et humaine, celle d'un savoir faire en interne dont la valeur pourrait être démultipliée à terme.


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