Le pouls du logiciel libre se prend aussi bien dans les taux d'adoption que dans les dépôts de code. Le noyau Linux concentre à juste titre beaucoup d'attentions. Développé par des milliers de développeurs à travers le monde sous le bienveillant dictat de Linus Torvalds, c'est le projet libre duquel découlent nos distribution et qui assure à nos systèmes d'exploitation la compatibilité du matériel que nous utilisons, sa stabilité, sa connectivité réseau, sa sécurité...
Depuis sa publication initiale en 1991 et ce mail devenu historique de Linus, le noyau Linux a beaucoup évolué, s'il ne tournait que sur les architectures x86 lors de son lancement, des milliers de contributeurs en ont fait une brique incontournable du Net en le portant sur d'autres architectures au point qu'on le retrouve aujourd'hui sur tout et n'importe quoi (smartphones, consoles de jeux, systèmes embarqués...).
Pour maintenir un projet d'une telle envergure, il faut beaucoup de contributeurs. À son origine, dans ces temps où Bill Gates alors PDG de Microsoft qualifiait Linux d'un "jouet pour étudiants", ses contributeurs étaient principalement des bénévoles. Mais bientôt 30 ans après sa publication initiale, le "jouet pour étudiants" qui comptait une dizaine de milliers de lignes de code, ne compte plus les contributions de géants comme Microsoft lui-même (à travers son partenariat avec Novell), IBM, Google, Red Hat, Intel ou AMD pour ne citer que les plus importants. Et de 10 0000 lignes de code il est passé à presque 28 millions de lignes.
Developpez.com est revenu sur le bilan en chiffres de ce projet hors normes. Le noyau Linux, c'est aujourdui 27,8 millions de lignes de code, mais pour la première fois, on note un tassement du côté du nombre de contributions avec "seulement" 74 754 commits (contre plus de 80 000 pour 2017 et 2018). Il ne faut cependant pas en conclure que le noyau est délaissé car malgré un nombre de commit en baisse, le nombre de lignes de code commited est lui au dessus de la moyenne avec "3 386 347 lignes de nouveau code ajoutées et 1 696 620 lignes supprimées."
Developpez.com explique par ailleurs que ce tassement au niveau du nombre des commits peut s'expliquer par une diminution du nombre d'auteurs : "2019 a vu environ 4 189 auteurs différents pour le noyau Linux, ce qui est inférieur aux 4 362 en 2018 et 4 402 en 2017."
On assiste donc aux premiers signaux d'un tassement du nombre de contributeurs que l'on peut considerer comme "logique", puisque de gros acteurs absorbent certains de ces auteurs dans leur structure, et pour certaines de ces structures, ce sont des contributions ayant trait à des modules souvent non libres développées par des équipes constituées en leur sein.
Le débat sur la qualité des contributeurs n'est pas nouveau même s'il a été (peut-être tardivement pour certains) considéré comme un problème par Linus Torvalds, initialement plus attaché au concept de l'Open Source qu'au logiciel libre, il a toutefois démontré ne pas y être insensible. Rappelons que c'est aussi cette vision "pragmatique" choisie en toute connaissance de cause par Linus avec l'adoption d'une architecture modulaire qui a permis d'embarquer des modules et des firmwares non libres, principalement dédiés à assurer la compatibilité avec des matériels, eux aussi non libres.